lundi 22 décembre 2014

Discussion de salle de bain

Je sors de la douche, une serviette autour de moi. Petitange me regarde.

- Maman, pourquoi les filles elles cachent leurs seins ?
- Parce queeeeuuuhhh... parce que les seins, ça sert à donner du lait aux petits bébés. Quand une maman a un bébé, elle lui donne du lait, avec ses seins.
- Et pourquoi les hommes ils ne cachent pas leurs seins ?
- Parce qu'ils ont des seins tous petits ! Et ils ne donnent pas de lait.
- Et quand j'étais bébé, tu me donnais du lait avec tes seins ?
- Oui. On dit "allaiter". Mais maintenant, tu n'es plus un bébé, et je n'ai plus de lait...
- Et pourquoi tu n'as pas d'autres bébés ?
- Parce que je suis toute seule ! Papa n'est plus la, et tu sais, pour faire un bébé, il faut un papa et une maman.

Petitange réfléchit...

- Je sais ! J'ai une idée:  je vais appeler papa, il va venir et vous allez me faire un bébé ensemble. Comme ça j'aurai un petit frère bébé...
- Heuuuuuuuu......... Je suis pas sûre qu'il soit d'accord, ton papa...
- Pourquoi ?
- Ben tu lui demanderas, hein...


mercredi 17 décembre 2014

Parent étranger

Je me suis adaptée rapidement au Chili. A la langue, aux coutûmes locales. Je me suis pliée, quelque fois avec plaisir, quelques fois en ronchonnant, aux us et coutumes du pays. Mais je plie.

Puis je suis devenue maman. Et j'ai beaucoup moins plié, d'un coup...

Je me suis adaptée quand même, refusant certaines choses, acceptant d'autres. Essayant de prendre le meilleur de l'éducation dans les deux cultures. Le côté tendre des chiliens, qui sont tous dans l'âme des papas ou des mamans, adorant les enfants... qui sont rois... et parfois détestables...

Puis Petitange est rentré à l'école maternelle. Entrer dans ce monde a été une grande aventure pour moi. L'école chilienne, c'est une autre dimension. Je sors des réunions de parents d'élèves ébahie, essayant de bien comprendre ce qu'ils veulent faire ou dire, pestant contre ce système éducatif de qualité médiocre, extrêment cher, et qui m'emmerde au plus haut niveau. Cette année j'ai fait un exposé sur le système solaire, j'ai peint 18 petites boules en polystyrène pour avoir 18 planètes Vénus, j'ai récupéré 4 vieux pneus pour les peindre en bleu et les ramener à l'école pour en faire des bacs a fleur... Sans compter les 18 pinces à linge peintes et décorées en crocodile, pour le conte sur le crocodile... 18, comme le nombre d'élèves de la classe, si vous vous posez la question. J'ai aussi vendu 3 tombolas de 10 tickets, et des 10 entrées à un cours de zumba. Et un exposé sur le coq...

Et comparée à d'autres mamans, il est clair que je ne m'investis pas beaucoup...
Je vous passe la tête que j'ai fait en peignant mes 18 pinces à linge le samedi soir, les doigts tout vert...Certaines mamans adorent bricoler pour leurs petits. Moi, je me verrai mieux en train de siroter un bon verre de vin entre amis, j'ai passé l'âge et ça ne m'amuse plus depuis bien longtemps. Mais je la ferme, personne ne comprendrait ici, je passerai pour une gringa égoiste qui ne s'investit pas dans l'éducation de son fils...

Cette semaine c'est la fin de l'année scolaire : les grandes vacances commencent juste avant Noël et la rentrée se fera en mars 2015 (puisque nous sommes presque en été ici). A la dernière réunion je me suis encore mordu la langue pour ne pas râler : les inscriptions pour l'an prochain (même si votre gamin est déjà dans cette école) se feront vendredi 19, de 8:00 à 14:00. Et personne ne se demande si vous pourrez y aller ou pas : on vous prévient même que la place de votre môme pourrait être donneée à un autre élève si vous n'y allez pas, car il y a beaucoup de demandes pour cet excelent établissement....
Ce jour là (pour bien vous foutre les boules), il faudra payer l'inscription et laisser 10 chèques pré-datés, pour les 10 mois de l'année scolaire 2015. On vous donnera aussi la liste des matériels scolaires à acheter:  cahiers, crayons, gomme, papiers de couleur, et au moins 6 livres. Plus l'uniforme, bien sûr.

Bref vous passerez votre été à acheter et chercher les matériels qu'on vous demande.
Moi je rêve de l'Education Nationale Française. Vous pouvez la critiquer, mais on n'emmerde pas les parents toutes les semaines, c'est gratuit et laïque (ou l'omniprésence de l'Eglise Catholique dans les écoles chiliennes). Et votre môme ne chante pas l'hymne national tous les lundis matin, en rang dans la cour, la main sur le coeur.





jeudi 23 octobre 2014

Anniversaire

Depuis quelques années je tombe malade juste avant mon anniversaire. Il y a deux ans j'ai même du annuler ma petite fête pour rester au lit avec des tisanes.

Cette année, comme les autres... Petitange m'a refilé un entérovirus qui me met KO. Le médecin m'a prescrit des médocs qui ne servent pas à grand chose...

Je crois qu'inconsciemment je n'accepte mon anniversaire, ou l'année en plus...

mardi 21 octobre 2014

Un an

Ça fait un an que Negrito m'a quittée. C'est beaucoup et peu de temps à la fois. J'ai parcouru beaucoup de chemin lorsque je regarde cette année passée. Je ne pleure plus comme une fontaine, même si l'avenir reste incertain. Nuageux, dirait mon psy.

Alors, ce bilan ?
Je me sens mieux sans lui. Ma vie est plus saine, plus simple. Je sais que nous ne serons plus jamais ensemble.

Et il me manque. Terriblement. Je le regarde et je sais qu'il ne m'aime plus. Il est ailleurs. J'ai enfin fini par l'accepter.
Par moment je rechute, j'ai envie qu'il me serre dans ses bras, je le supplierais de revenir à la maison. Mais il n'a plus cette étoile qui brillait dans ses yeux quand il me regardait. Son regard est triste, vide.

Par moment je le regarde, et je me demande comment nous avons fait pour vivre tant d'années ensemble, et faire un enfant. Il reste entre nous cette... complicité, cette tendresse... qui rassure et qui fait mal à la fois. Je me sens juste triste, comme devant un énorme gachis.

Alors je regarde finalement l'avenir devant moi, et non le passé derrière mes petites épaules.

J'ai pris ma décision. Je vais rentrer en France. Plus rien a faire ici : Negrito met sa vie en l'air, sa mère en tombe malade, mon travail n'a aucun avenir, l'éducation pour Petitange est chère et minable (un jour j'écrirai un truc sur l'éducation ici, pour me défouler et vous faire comprendre que l'éducation nationale française finalement n'est pas si mal).

Negrito est venu à la maison, saluer mon frère qui est venu en vacances. Mal à l'aise, il a sorti une bière du frigo (à onze heures du matin) et nous avons discuté un peu sur la terrasse, pendant que mon frère jouait avec Petitange. Je lance vaguement mon idée au milieu de la discussion:

- Je n'ai pas eu de nouvelles suite à l'entretien d'embauche que j'ai passé. Tu sais, je crois que je ne serai pas prise. Et bon... Je pense refaire mon CV et regarder en France.
- Tu vas rentrer en France ?
- Oh ce n'est pas pour tout de suite, mais bon, oui, enfin.. oui, j'y pense. Oui, j'ai envie de rentrer. Je dois trouver un travail d'abord, évidemment. Ca va me prendre du temps, ce n'est pas pour tout de suite.

Je le regarde fixement, le coeur battant. C'est la première fois que je lui dis ouvertement que je veux retourner vivre en France. Avec Petitange, évidemment.
Mais Negrito va avoir une réplique ahurissante. Nerveusement il tire sur sa cigarette et me répond:

- J'espère que tu trouveras du travail dans le sud de la France.
- Pourquoi ça ?
- Parce que comme ça, quand j'irai te voir, je pourrais aller voir les matchs de rugby. Près de Toulouse ce serait bien...



lundi 25 août 2014

Sans déconner

Je suis à côté du petit Buddha. Je suis ses conseils et je me lance.

"En fait, il y a une partie de moi qui désire qu'il revienne. Il me manque terriblement. En même temps, je sais que c'est impossible, et une autre partie de moi désire ne plus le revoir. Cette autre partie est même contente qu'il soit parti. Je ne comprends pas trop...."

Il note tout sur son cahier, relève le nez et me dit "c'est bien de reconnaître ça. Tu progresses, Piba, tu progresses".

Je progresse à reculons, oui.
Je ne comprends rien à mon psy...


mardi 19 août 2014

Machiste

C'est au cours d'une conversation avec une copine que soudain, j'ai compris. C'était évident, ça sautait aux yeux. A la gorge et au coeur aussi. Mais comment ai-je été aussi aveugle, comment n'y ai-je pas pensé avant... La vérité m'est tombée dessus comme un sceau d'eau glacée.

Avant que Negrito ne me quitte, nous avions décidé d'avoir un autre enfant. Un an et demi sans aucune contraception, puis rien... Mon gynéco m'avait soumis à une série d'examens médicaux, dont un en particulier qui ne se fait qu'à Santiago, particulièrement désagréable et douloureux. Pas une partie de plaisir, j'avais failli tourner de l'oeil, allongée devant le jeune et bel interne qui posait sa main sur mon bras en disant "ça va aller".

Les examens ne montraient rien de particulier, vous allez bien Madame, vos trompes ne sont pas bouchées, merci au revoir.

Pendant ce temps là, Negrito transpirait à soulever de la fonte au club de gym. Soucieux de la taille de ses muscles il se levait tôt le matin et avalait de mystérieuses poudres protéinées. Mécontent du résultat obtenu, il décida (contre mon avis) d'aller se faire piquer les fesses avec les hormones de cheval. Des stéroïdes et des anaboliques. Qui ont pour effets secondaires (outre les divers risques de diabète et autres saloperies) une diminution de la production de spermatozoïdes. Voilà...

La bonne nouvelle est que mon corps fonctionne probablement parfaitement bien.

Lorsque j'ai appelé Negrito pour lui expliquer, il a répondu "Ah je n'y avais pas pensé". Pour un dentiste qui a fait au moins deux ans de médecine générale, c'est une réponse qui vaut un paquet de cacahuètes.

La prochaine fois que j'irai voir mon gynéco, je lui expliquerai aussi. Avant d'envoyer la femme faire des examens couteux et douloureux, il pourrait poser quelques questions sur le futur papa... aux gros muscles et aux petits spermatozoïdes.

lundi 4 août 2014

Je détricote

Je venais de déposer Petitange à l'école.
Huit heures et quart du matin, embouteillages pour arriver et repartir. J'étais au stop, espérant l'automobiliste (rare) et sympa qui me laisserait passer. Il faisait froid, mais beau.

Puis la radio a passé la chanson que Negrito écoutait en boucle. En soirée, en voiture, sur le chemin des vacances, chantant de sa belle voix pronfonde. Negrito chante bien, vraiment bien. Mieux qu'il ne joue de la guitare. Negrito et ses idées farfelues, Negrito et sa bonne humeur, Negrito le généreux, Negrito le clown qui me faisait rire. Negrito, comme le zeste de citron de ma vie, celui qui vous fait frissonner et sourire, danser, allumer des étoiles dans le ciel de vos yeux.

Alors les larmes ont coulé sur mes jours. Sale amour qui ne veut pas partir. Sors de mon coeur, sors de ma vie. J'ai monté le son, et j'ai mis mes lunettes de soleil. Une maman en larmes à la sortie de l'école, ça ne le fait pas. Je pleure, je chantonne vaguement. Je n'ai pas la puissante voix de Negrito. Sale amour, sors de ma vie. Il me faut du temps pour qu'il s'en aille. Comme s'il me fallait détricoter mon histoire, faire le ménage à l'intérieur. C'est l'inverse de tomber amoureux. Ca devrait exister, dans le dictionnaire, "se désamourer". Parce que c'est un vrai travail, une vraie galère. Bien plus difficile que de tomber amoureux.

Et vous, vous faites comment pour vous désamourer ?

lundi 28 juillet 2014

Petite vengeance mesquine - 2

Nous sommes sur le canapé, ses mains passent sous mon pull. Je frémis et je le repousse gentiment. Il veut dormir avec moi. Je monte les escaliers qui mènent à ma chambre, il me suit.

Je me brosse les dents en pensant que remettre le couvert avec son ex, ça doit arriver à plein de personnes. Ma vie est banale, en fait. Ce n'est pas une raison pour choper des caries, je brosse consciencieusement.  Je me déhabille ensuite lentement pendant qu'il me regarde, alongé sur le lit. Certaines habitudes ont a dent dure...

Sous la couette les préliminaires commencent. Alors, a un instant précis, je lui chuchotte "attends" et je sors une boîte de préservatifs du tirroir de ma table de nuit.
- Mais pourquoi tu as des préservatifs dans ta table de nuit maintenant ?!
- Parce que je ne veux pas avoir d'autres enfants, figures-toi !

Pour un peu il s'en arrêterait là. Stupéfait, Negrito. Je reprends mes petites caresses comme si de rien n'était. Et savoure ma petite vengeance mesquine. Bien plus tard, il m'avourera encore qu'il n'en revient pas que j'ai des préservatifs dans ma table de nuit.

Je repense à ma bonne copine qui m'avait dit la semaine dernière qu'un fille célibataire devrait toujours avec des préservatifs chez elle. On devrait toujours écouter les conseils des copines, la semaine prochaine j'en achèterai d'une marque différente.. et j'en enlèverai un au paquet...

vendredi 18 juillet 2014

Petite vengeance mesquine

Il était minuit passé lorsqu'il a sonné, j'étais en train de me brosser les dents. L'idée de ne pas lui ouvrir la porte m'a traversée l'esprit. Je suis en pyjama, il est tard, il doit être saoul ou stone. C'est mon ex, je n'ai plus à supporter ses caprices et ses discours de mec saoul. J'ouvre quand même le portail électrique et je reste sur le pas de la porte. Il m'emmerde.

Il a les yeux rouges, mais les paupières ne sont pas encore abaissées. Une tête de labrador qui cherche à se faire pardonner, une tête fatiguée et triste. Il porte un pull en laine beige que je lui avais offert. S'en souvient-il ? Il n'est pas trop saoul ni stone, il est surtout fatigué. Et triste. Très triste. Je le laisse entrer.

Il pose sur la table des barquettes de bouffe chinoise. Je me fais un thé. Il mange et me parle, me prend la main. Je le regarde et l'écoute. C'est drôle comme l'homme avec qui j'ai vécu pendant 7 ans me paraît pathétique. Pathétique et prévisible. Je sais déjà ce qu'il va dire, à un détail près.

"Ce soir je vais te parler franchement, franchement pour la première fois. Je n'aurai jamais cru cela possible, mais j'aime deux femmes à la foi. Toi et Naroma. Je suis désespéré. Mes amis me disent de suivre mon coeur. Et mon coeur me dit d'être avec mon fils."

Il m'aurait mis une claque que l'effet aurait été le même. Non seulement il aime son allemande qui vit à 12.000 km d'ici, mais en plus il veut être avec moi pour obtenir le petit confort de vivre avec son fils, dans sa maison. Le beurre, l'argent du beurre, et le cul de la crèmière. Il m'a plaquée pour une blondasse de 21 ans, et maintenant il me dit qu'il nous aime toutes les deux. Ma vie est une véritable caricature, d'une banalité sans fond. J'ai quarante ans, bordel. Je prend une large inpiration et lui sourit avant de répondre. Faut jouer serrer : ne pas être ridicule, trouver le sens de la répartie, sans pour autant l'humilier. Ca ne sert à rien. Puis il a une sérieuse carte entre les mains : celle de signer (ou non) l'autorisation de sortie du territoire de Petitange, si je veux rentrer en France.

"- Mais Negrito, il n'y a pas d'alternatives : tu es parti, nous sommes séparés depuis 8 mois. C'est tout."

 Ne pas lui dire que je ne veux plus de lui, que je ne l'aime plus. Restons concentrés.

"- Je ne peux pas imaginer ma vie sans Petitange, mais je ne supporte pas de te voir triste, et maigre. Si, maigre. Alors si vraiment tu veux rentrer en France, même si ça me crèvera le coeur, je te signerai l'autorisation."

Là, il pleure sincèrement. Paroles sincères d'un ivrogne..

"Je n'en peux plus de vivre chez mes parents. Ma mère me mène une vie impossible. Je t'aime toujours. Je n'ai jamais cessé de t'aimer".

Inspiration profonde. Se calmer... Là, il ment. Il a cette petite lueur dans les yeux. Je le connais bien : Ce n'est pas de l'amour, c'est du désir. Alors des idées m'arrivent à la vitesse de la lumière. Parfois, face au désir des hommes, c'est facile. Et il me vient une idée mesquine, pas belle, mais qui va me remonter le moral. Tu vas voir...


mardi 8 juillet 2014

Atterrisage brutal

Les vacances ont été superbes. Petitange est le roi du voyage, après 17 heures de voyage et 6 heures de décalage horaire il reste tranquille, content de voyager.

Il faut s'expatrier longtemps pour se rendre compte que la France est belle, la gastronomie est fantastique, la diversité culturelle est enrichissante, et les français sont plutòt sympathiques. Avec, en prime, la légère sensation que tout est fluide et que tout fonctionne (mis à part la SNCF). Il faut partir longtemps pour sentir à quel point certaines personnes me manquent, combien certaines relations sont importantes. Retrouver certaines vieilles choses, en découvrir de nouvelles. La France m'est devenu un pays presque étranger après 10 ans.

En partant de Paris il faisait 28 degrés. En arrivant au petit matin à Santiago, il faisait 5 degrés. Puis dans ma ville, un petit 12 degrés gris et humide. Avec, à nous attendre à l'aéroport, un Negrito inchangé : content de nous voir, cachant ses émotions, en retard, au volant d'une voiture sale où la musique heavy metal était à fond. Sa conduite me fait toujours battre rapidement des paupières et appuyer fermement les pieds sur le sol, j'avais oublié combien il roule mal et vite.

La routine revient vite, même après un mois de vacances.
Les gestes, le réveil le matin, l'organisation pour l'école...
Negrito, sa famille, ma belle mère...
Les amis, les discussions...
Avec juste cette question lancinante qui revient comme une démangeaison de piqure de moustique : Bordel, mais qu'est-ce que je fous ici, si loin de la France ?

Mon patron m'a appelée une semaine après mon retour. Pour m'annoncer qu'il ne pouvait plus payer mon salaire, les affaires vont mal. Ca, je m'en étais bien rendue compte, vu que je gère les chiffres et les tableaux.
Au choix : ou j'arrête de travailler, ou je continue mais pour la moitié de mon salaire. Temporairement. Peut-être temporairement, en espérant des jours meilleurs, voyez-vous...

Nouvelle qui m'a fait l'effet d'une bonne claque dans la tronche, ou d'un sacré coup de pied au cul. Marrant, ça fait deux fois que je me fais virer au retour de vacances... Second effet de la nouvelle, j'ai ensuite appelé certains amis, ceux qui comptent dans les moments durs, ceux qu'on compte au fil des années sur les doigts de ses mains.

Puis j'ai décidé deux trucs : d'abord je ne vais pas travailler pour la moitié de mon salaire. Je préfère récupérer les indemnités de mon licenciement économique, appelons les choses par leur petit nom. Il va falloir que mon patron fasse le gros chèque qu'il me doit légalement.

Ensuite je prends une semaine pour respirer. Je gère mon stress, je n'appelle personne pour demander du travail, parce que je ne suis pas trop en état pour l'instant. Demander du travail comme un caliméro déprimé "s'il vous plait, j'ai plus de mec, de travail, d'argent, embauchez-moiiii", ça marche pas trop. Je respire...

L'imprévu, c'est Negrito au courant qui appelle tous ses potes pour leur passer mon cv.
Attitude légèrement égoiste de sa part, mais qui a du bon : demain je passe un entretien.

Se motiver, se motiver, se motiver...

Même si l'entretien se passe bien et que je retrouve du travail, la question lancinante revient régulièrement : Bordel, qu'est-ce je fous ici, si loin de la France ?


mercredi 14 mai 2014

Copine

Elle est assise côté passager et me regarde pendant que je conduis. On s'arrête au feu rouge, elle tourne la tête comme pour trouver l'inspiration, ou les mots qu'il faut.
- De toute façon, votre couple ne faisait pas envie. Il prenait l'eau de toute part.
- C'est vrai, ça faisait un bout de temps que ça n'allait plus du tout.
- Petitange le prend comment ?
- Il me demande un petit frère. Je lui ai expliqué que ce n'était plus possible parce que son papa n'était plus avec nous. Alors il m'a dit qu'il fallait que je trouve un autre monsieur pour faire un bébé.
- Ah ben tu vois, il est prêt !!
- C'est ça, un autre mec, j'ai vraiment d'autres chats à fouetter en ce moment...

Je repars au feu vert. Foutter un chat, d'autre d'expression...
Retrouver un autre mec, l'idée me ferait vomir. "A woman needs a man like a fish needs a bike". Encore une autre expression curieuse à laquelle je ne crois qu'à moitié.

- Tu cherches un autre boulot ?
- Oui, j'en peux plus de travailler de chez moi. J'ai envoyé quelques cv, mais tout est sur Santiago. Et je n'ai pas vraiement envie de retourner à Santiago. Alors je pense à un retour en France...
- Il n'y a que toi qui peux décider ou tu veux aller. Ne te laisses pas influencer. Negrito te signera l'autorisation de sortie du territoire pour petitange. Sa mère pourra faire la gueule, elle ne pourra pas t'en empêcher.
- Je sais pas quoi faire, ni ou aller.
- Laisses toi encore le temps.

Le temps. J'ai l'impression de le perdre. Tout arrive si vite. Avec ma manie d'être toujours en retard, j'ai une drôle de relation avec le temps. Je sais que j'en ai besoin pour prendre ma décision, pour refaire ma vie, pour renaître. Puis j'ai l'impression d'attendre un miracle, de perdre mon temps. Comment fait-on pour prendre de grandes désicions ? Je n'arrive pas à retrouver mon intuition, ma petite voix intérieure. Il va falloir que je travaille ça. Retrouver la petite voix qui s'est cachée sous des couches de peine et de colère.

La colère. Celle de découvrir via Facedebouc que Negrito s'est officiellement déclaré en couple avec son allemande. Je l'ai appelé pour lui dire de ne pas s'inquiéter, il avait réussi à me faire bien mal. Le jour ou j'aurai un nouveau mec, tiens, je l'avertirai par aussi comme ça. 

mardi 29 avril 2014

Conversation

Je remonte les couvertures et dépose un bisou sur sa joue.

- Bonne nuit mon Petitange, je t'aime.
- Maman, moi je t'aime jusqu'àu ciel !
- Petitange, moi je t'aime... jusqu'au soleil.
- Maman, moi je t'aime... heu... jusqu'à Neptune.
- Petitange, moi je t'aime... heu... jusqu'à Pluton.
- Mais non Mamaaaaannnn !! Je t'ai déjà dit que Pluton c'était pas une planète !!

Petitange, même pas cinq ans...

mercredi 23 avril 2014

Psy 2

Je vais voir toutes les semaines mon psy pour me vider la tête, en anglais. Comme si je ne pouvais rien faire comme tout le monde... La maison rouge, sa tasse de thé, le rouleau de sopalin qui termine sur mes genoux. Enfoncée dans un fauteuil je vide mes émotions.

Je parle de ma colère, ma tristesse, ma culpabilité. Surtout de ma colère. Elle semble grossir au fur et à mesure que je la remue.
Je sors vidée. Le lendemain ma colère est là, encore plus puissante. Je deviens irritable, le moindre détail et elle ressort. Au travail, au volant, au supermarché... J'essaye d'être patiente avec Petitange qui n'y est pour rien. Le protéger, surtout... Respirer, se calmer, je déroule mon tapis de yoga et je fais le vide. Ensuite, la colère reprend.

Mon psy me dit que c'est bien, que j'avance. Je ne sais pas.

Negrito m'appelle régulièrement, toujours au sujet de Petitange, cherchant toujours à savoir ce que je fais, avec qui, comment et pourquoi. J'ai envie de répondre qu'il n'est plus question que je partage ma vie avec lui. Mais je ne dis rien, je reste vague, polie, distante, pendant que ma colère hurle dans ma tête. Il va retourner vivre quelques mois chez ses parents. Sa mère est contente. C'est pathétique.
Une amie commune m'a expliqué ce qu'il avait fait en Allemagne, m'a parlé de sa nouvelle copine allemande. Blonde, 21 ans. Je lui souhaite bien du courage. Il a même rencontré ses parents en Allemagne, qui l'ont trouvé charmant. J'ai la haine.


En attendant (Dieu sait quoi) j'ai pris mes billets, je pars trois semaines en France avec Petitange fin mai. Paris, la Bretagne, et un petit séjour en Espagne. J'ai besoin de prendre l'air. Surtout l'air français, pour savoir si je veux vraiment rentrer vivre en France. Cela fait dix ans que je suis au Chili, je ne connais plus rien à la France.

mercredi 9 avril 2014

Mr Psy - Première


Je sonne. C'est une jolie maison rouge, le petit jardin déborde de verdure. Personne ne répond. Je rappuie sur la sonnette, il sort sur le balcon et me fait signe. Mon Psy est un homme d'une cinquantaine d'années, mince,cheveux mi longs, grisonnants et vaguement bouclés, qui cachent des yeux bleus perçants. Le portail s'ouvre et il m'accueille avec un fort accent. Mon Psy est anglais. Comme tous les professionnels de la santé son diplôme étranger n'est pas reconnu ici, il reçoit donc en catimini chez lui, sans rien déclarer.

Le petit salon a un vague air des années 70, fauteuils en bois, plantes vertes, petit bouddha et fleurs fraîches dans un vase. A ses pieds il y a une tasse de café et un rouleau de sopalin. Je pense à Reine... Je préfèrerais le café, mais je sais déjà que le sopalin est pour moi, et le café pour lui.

Premières questions de routine, comme chez le médecin.
Puis il me demande pourquoi je suis là.
Je prend une longue inspiration mais ma voix sort cassée, elle sort de ses rails. Les larmes montent rapidement, le sopalin arrive sur mes genoux. J'ai tenu cinq minutes sans pleurer.
A travers ses questions je commence à raconter ma vie, à l'envers. Je pars de ma séparation avec Negrito, continue avec ma relation avec le Prince pas Charmant. Retourne en France, il y a dix ans. Retourne en Angleterre, il y a quinze ans. Ma relation avec mon premier copain, mon boyfriend. Et d'un coup, comme si c'était naturel, je passe à l'anglais. Nous continuons la conversation en anglais. Ca le fait sourire, mais je sens qu'il est plus à l'aise, et moi aussi. Ma vie est un long fleuve pas tranquille.
Nous voici rendus à mes parents. Citez-moi trois qualités et trois défauts pour chacun d'entre eux.

Finalement, il me demande de lui citer trois défauts et trois qualités me concernant. Je cherche... Je lui dirais bien que je suis conne, comme la chanson de Brigitte Fontaine. Je cherche en regardant de travers le petit buddha qui reste silencieux. Je finis par trouver, je ne suis pas très convaincue que les réponses me correspondent. Se connaître soi même me semble monstrueusement difficile.

Il m'explique qu'il accepte comme patiente. Pour ma séparation avec Negrito, le problème peut être réglé en quelques mois. Pour le problème de fond, on verra ensuite, mais ce serait plus long. Et je pourrai décider si je veux m'y lancer ou non. Mais je dis oui tout de suite. Oui, je veux connaître mes côtés les plus obscurs...

mercredi 2 avril 2014

Terremoto

Pour ceux qui s'inquièteraient, tout va bien pour moi et Petitange. Le séisme d'hier a eu lieu a 1000km d'ici et nous n'avons rien senti. La moitié de la ville a eu droit à une évacuation pour alerte au tsunami. Heureusement nous habitons en haut de la ville, et nous avons hébergé des amis pour la nuit.

vendredi 28 mars 2014

I feel blue

J'ai eu tellement de peine l'autre jour que j'ai oublié d'aller chercher mon fils (appelons-le Petitange) et sa cousine à l'école. Je suis arrivée à l'école avec 25 minutes de retard, paniquée, les yeux rouges, la gueule en vrac. J'ai tout simplement oublié d'aller les chercher. La cousine qui a six ans souriait, mais Petitange commençait à être inquiet. Puis tout le monde est devenu inquiet. La mère de la cousine, le frère de Negrito, mon ex belle mère. Et Negrito. Alors il m'a appelée. Une heure et demie au téléphone. Une heure de demie de larmes et de peine. Mon coeur s'est ouvert, j'ai tout lâché. Negrito, de plus en plus inquiet, m'a invitée a manger le soir, en tête à tête.

J'ai laissé Petitange chez moi avec une bonne copine pour partir dans ce restaurant face à la plage. Lumière néon froide et blanche, trois personnes dans une grande salle lugubre décorée de filets de pêche et d'étoiles de mer sèches, puis Negrito. Il me parle de son travail, de ses amis, du temps qu'il fait. Je l'écoute à peine, j'avale péniblement la moitié de mon assiette. L'adition arrive, je le regarde payer. Je lui demande de me répondre à mes questions, c'est pour ça que je suis venue. Nous sortons du restaurant.

- Je te l'ai déjà dit. Je ne suis plus amoureux de toi, je veux vivre autre chose. La vie que je veux avoir ne te conviendrait pas. Si tu veux partir, même en France, je te laisserai partir avec Petitange. Si tu veux rester ici, c'est moi qui partirait. A Panama, ou au Costa Rica. Ou en Espagne.

J'attrape sa main, puis je pleure un peu dans ses bras. Il me reconduit à ma voiture.
- Negrito, tu ne reviendras pas avec moi, n'est-ce pas ?
- Non

Je lâche sa main, essuie un larme. Il m'embrasse sur la joue. Je tourne les talons et marche jusqu'à ma voiture sans répondre à son au revoir. Je démarre rapidement et remonte chez moi. C'est fini, il n'y a que moi  pour ne pas le voir. C'est fini et c'est mieux pour moi, comme tout le monde me le répète. Negrito sort, boit, fait la fète, joue trop d'argent au casino et Dieu sait où. Negrito m'a mené une vie d'enfer.

Je me gare devant cette maison qui a été la notre, qui est maintenant la mienne. Je caresse notre chien, qui est maintenant le mien. Je discute avec ma copine pendant une heure, elle a toujours été mon amie. Elle me persuade de voir un psy et me fait promettre de l'appeler demain. Puis je vais faire un bisou a Petitange qui dort. C'est mon fils, mais c'est aussi le sien.

lundi 17 mars 2014

Coupée

Je me sens coupée en deux. Comme si je n'avais plus de jambes, ou plus de tête.
Je continue de travailler, de m'occuper de mon fils, de voir mes amis. Je sourie.
Devant ceux qui me connaissent, je ne fais pas trop illusion. Mais les autres n'y voient rien.

En fin de semaine Negrito va rentrer de 3 semaines de vacances. Je n'ai aucune envie de le voir.
Il va bien falloir que j'aille lui déposer mon fils (tiens faut que je lui trouve un petit nom pour ici d'ailleurs).

Pas envie de l'entendre raconter ses super vacances, je lui ai déjà dit de ne pas me rammener de cadeau.
Pas envie qu'il me voit avec ma sale tête tristoune que je n'arrive pas à cacher.
Pas envie de faire semblant.
Pas envie d'avoir d'explications.
Je ne pourrais pas parler sans pleurer.

J'ai juste envie de partir... loin...

Je crois qu'il va bien falloir que j'aille voir le psy qu'on m'a recommandé...

mercredi 5 mars 2014

Moderne

J’en ai marre de voir son nom s’afficher sur mon téléphone à chaque fois qu’il me demande des nouvelles de son fils. J’ai envie de lui dire que je vais bien, merci. Que notre fils va bien parce que je m’en occupe bien. Que son père lui manque mais qu’il n’en parle pas. Ou lui demander si c’est lui qui se lève la nuit quand notre fils fait des cauchemards, ou qu’il a envie de faire pipi. Que ce n’est pas facile d’être maman toute seule, pendant qu’il fait le zouave.

Alors j’ai changé son nom dans le répertoire de mon portable. A chaque fois qu’il m’envoie un message ou qu’il appelle, mon téléphone affiche “connard”. Ca ne sert à rien mais ça me fait plaisir.

Ton père est parti

Ton père est parti. Il est parti pour être libre, pour faire la fête, pour boire toute la nuit, toutes les nuits. C’est ce qu’il aime.

Moi, je l’aime et je le déteste. Il est grand, généreux, sincère, doux et sensible. Trop sensible. Alors il boit. La fête, c’est plus drôle que la vie quotidienne de papa et de mari. Il dit ne plus vouloir de responsabilités. Enfin plus celles de père de famille. A moi la vaiselle, le ménage, les courses, ton éducation, les réveils matinaux et tes bains. A lui les copains alcooliques, les soirées jusqu’au levé du jour, les gueules de bois arrosées de bière.

Tout le monde me dit que c’est mieux pour moi. Mais je me sens seule, et triste. Le voir se détruire à petit feu, douter de mes capacités à me relever seule, encore, et t’accompagner dans ta vie de petit garçon de quatre ans. Seule si loin de la France, de mes parents, de mon frère, de mes amis.
Je sais, il te manque, et à moi aussi il me manque. Le bruit de la moto qui rentre le soir, les calins avec toi et lui le matin dans notre grand lit.
Sept ans ensemble, il est parti.

Je te promets de faire de mon mieux, de t’aimer plus que tout au monde, de me relever du mieux possible et de reconstruire. Je me suis donnée un an pour prendre une décision. Rester ici, dans le pays de ton père, ou rentrer en France, dans mon pays. Je n’y vois encore pas grand chose, il me faut surmonter ma douleur, me perdre dans ma solitude, prendre du recul, retrouver mon intuition. Penser à moi, et à toi, qui sera à jamais entre la culture d’ici et la culture française.

Je t’aime, mon petit ange.

Des chiffres et des lettres

Peut-être parce que mon fils commence à compter, je m'y mets aussi.
5 ans que je n'ai pas écrit dans un blog.
Mon fils a quatre ans et demi.
10 ans que je suis au Chili.
40 ans depuis 3 mois.
7 ans dans le même boulot.
3 mois qu'il m'a quitté.

J'ai un peu la tête qui tourne... On m'a dit que pour les chinois c'est l'année du cheval. Le mien a l'air d'être parti au triple galop. Je vais devoir rester bien en selle, regarder droit devant. Et écrire, pour tenter d'y voir plus clair...